Mes lectures vespérales, et l'accès facilité que j'ai à certaines publications, m'ont conduit à lire l'article de revue et de prospective :
Breding for resistance to Varroa destructor in Europe" Büchler R. et al. Apidologie 41 (2010) 393-408
I. Les auteurs passent en revue certains traits de caractères génétiques qui conduisent à une plus grande tolérance voire à une résistance au varroa.
1. L'essaimage :
Dans une étude publiée en 2003, Fries montre que parmi les colonies survivant au varroa (VSC) 41.5% d'entre elles essaimaient CHAQUE année. On comprend bien que l'essaimage se traduisant par le départ d'un grand nombre d'abeilles adultes qui vont dans leur vol et leur quête d'un nouvel abri s'épouiller, diminue grandement la charge en parasite de la fraction voyageuse. Par ailleurs dans la fraction sédentaire il y a un arrêt de la ponte dans la ruche. Entre le moment où la jeune mère éclot et le moment où elle est en mesure de pondre il s'écoule 10 j. Il y a donc une période de 19 jours (de l'éclosion de la mère aux premières larves operculées) suivant l'essaimage pendant lesquels les varroas ne peuvent pas se reproduire à l'intérieur de la ruche ce qui diminue d'autant la charge de parasites.
2. l'épouillage :
Certaines souches d'abeilles sont plus enclines à s'épouiller que d'autres, et donc les ouvrières sont plus à-même de détecter la présence du parasite sur leur sœurs, de le retirer et de le mâchouiller pour le tuer.
3. la durée du stade operculé
Plus le stade operculé dure longtemps plus les varraos femelles enfermées dans la cellules avec la pupe peuvent pondre, augmentant ainsi le taux de fécondité des varroas. Wilde & Koeniger (1992) ont sélectionné une souche avec une durée du stade operculé de 276 (11.5 jours) heures contre 287 et 289 heures (12 jours) pour les souches témoins A. m. carnica et A. m. caucasica. Cette légère diminution de la durée du stade operculé se traduit par une légère (mais non significative statistiquement) diminution du taux de reproduction du varroa. Toutefois ce programme de sélection a été abandonné estimant que les efforts consentis étaient trop importants au regard du gain obtenu.
4. la dynamique de ponte des mères
Des souches d'A. m. mellifera originaires de l'est de la Sibérie montrent une grande tolérance au varroa. Ceci provient du fait que les mères ont une dynamique de ponte très faible, avec un développement du couvain lent et donc un taux de reproduction du varroa en rapport avec cette dynamique. Dans nos ruchers ce genre de lenteur n'est pas souhaitable.
5. le comportement hygiénique
Des souches sont sélectionnées pour le comportement hygiénique (voir le sujet de happyapi) qui consiste en la détection du couvain mort ou malade, la désoperculation et l'élimination des larves atteintes. En France J. Kefuss (Toulouse) sélectionne une lignée hygiénique à-partir de la Starline. Ce comportement étant récessif doit être suivi de près et les colonies doivent faire l'objet d'une sélection rigoureuse. La méthode la plus simple pour sélectionner ce comportement est le test du couvain tué à l'aiguille*. Une des hypothèses pour expliquer ce comportement est une meilleure olfaction des abeilles notamment pour la détection de molécules liées aux maladies du couvain.
II. Modes de conduite :
Vivre et laisser mourir
Les auteurs parlent de sélection par le test de Bond (Vivre et laisser mourir) qui consiste à laisser des colonies se dém...brouiller toutes seules avec les varroas. Les colonies qui meurent ... meurent ! et celles qui survivent doivent être multipliées. En Europe J. Kefuss (2004 Am. Bee J., 2009 Apimondia Congress) a commencé cette stratégie en 1993 par l'importation d'A. mellifera intermissa de Tunisie, connues pour leur capacité à résister au varroa, et à la laisser s'hybrider naturellement avec les abeilles "sauvages" de Haute-Garonne. Les colonies ne sont donc pas traitées, sont divisées par essaimage artificiel et un élevage de mères est fait pour augmenter la probabilité d'apparition du trait de résistance dans les populations.
Bien sûr à notre échelle cette approche brutale de sélection n'est guère envisageable. Toutefois les auteurs préconisent de ne faire aucun traitement chimique mais plutôt d'user de l'élimination physique des varroas lors d'une charge trop importante en parasite.
Cette élimination consiste à retirer à un instant donné tout le couvain, puis à donner un cadre bâti dans lequel la mère pondra, et le retirer une fois le couvain operculé (méthode du cadre piège). Après ça on laisse la colonie tranquille le reste de l'année. Cette méthode s'apparente à la méthode héroïque puisqu'il y a élimination du couvain infecté, avec un étape supplémentaire de cadre piège afin de capturer les varroas libres sur les imagos. Je pense toutefois que si on fait la méthode héroïque chaque année on maintient le taux de pression de parasite suffisamment bas pour se passer de traitement.
*Test du couvain à l'aiguille : Découper un gabarit en losange de 10 cellules de coté.
Sur une zone de couvain operculé placez le gabarit et, à l'aide d'une aiguille très fine, crevez chaque opercule, à l'intérieur du gabarit, en transperçant la larve. Répétez l'opération sur les deux faces du cadre. Laissez en place des épingles sur la première et la dernière cellule du gabarit.
Replacez le cadre après l'avoir identifié avec une punaise. Revenez après 24h et comptez le nombre de cellules ouvertes, vidées, et celles dans lesquelles la mère a déjà pondu. Revenez et comptez chaque 24h jusqu'à ce que toute la zone soit entièrement nettoyée et pondue.
Si la zone est entièrement nettoyée en 24h c'est une colonie championne, si la zone est nettoyée à moitié en 48h c'est une colonie moyenne, si la zone est nettoyée à moitié en 72h les abeilles sont des souillons qui ne méritent pas l'honneur que vous leur faites de les héberger. Un remérage est à envisager, surtout si vous avez une ou plusieurs colonies particulièrement propres dans votre rucher.