Révélations sur les derniers instants de l'atterrissage des abeilles - Journal of Experimental Biology
(American Bee Journal - février 2010)
L’atterrissage est délicat : heurter le sol trop vite et vous vous écrasez, c’est l’accident et l’incendie ; trop lentement et c’est le décrochage et la chute. Les abeilles réussissent leur approche en contrôlant la vitesse des images qui leur traversent les yeux. En ralentissant de manière à ce que la vitesse de l’image de leurs pattes qui va atterrir reste constante sur la rétine, les abeilles réussissent à contrôler leur approche. Mais que se passe-t-il dans les tout derniers moments avant de toucher le sol ? Et comment les abeilles s’adaptent-elles pour atterrir sur des surfaces exposées de l’horizontale à la surface renversée d’un plafond ? Les mouches, pour s’accrocher au plafond, prennent simplement prise avec leurs pattes-avant puis elles font la culbute et se stabilisent, mais pour une abeille, l’approche est plus calme.
Mand Srinivasan, ingénieur au Centre de Recherche de la Vision (Université du Queensland, Australie) et son équipe savaient que les abeilles doivent faire quelque chose qui diffère de ces casse-cou de mouches. Ils étaient curieux d’en apprendre davantage sur la stratégie d’atterrissage des abeilles. Ils ont utilisé une caméra très rapide pour filmer l’instant du contact sur des surfaces pouvant prendre des inclinaisons différentes et ils ont publié leurs découvertes sur le journal de Biologie Expérimentale du 28 décembre 2009. Les chercheurs ont commencé par construire une plate-forme d’atterrissage qui puisse s’incliner dans tous les angles à partir de l’horizontale et jusqu’à l’opposé comme le plafond, ensuite ils ont entraîné les abeilles à se poser tout en les filmant. Lorsqu’ils eurent en mains toutes les photos qui s’étalaient depuis 0° (l’horizontale) jusqu’à 180° (avec une photo tous les 10° d’inclinaison), ils ont entrepris un minutieux travail d’analyse manuelle des stratégies d’atterrissage et ils se sont rendus compte que l’approche des abeilles se décompose en trois phases. D’abord, les abeilles arrivent de presque toutes les directions et à n’importe quelle vitesse, mais lorsqu’elles se rapprochent de la plate-forme, elles ralentissent de façon spectaculaire, faisant presque du sur-place jusqu’à se trouver à 16 mm de la plate-forme et là elles se posent. Lorsque la surface est horizontale ou légèrement inclinée, les pattes arrières sont presque en contact avec la surface ; alors il suffit de ralentir doucement et de prendre contact avec les pattes arrières, avant d’abaisser le reste du corps. Pourtant, lorsqu’elles se posent sur des surfaces allant de la verticale à la position renversée (plafond), leurs antennes sont au plus près de la surface pendant la phase de sur- place. L’équipe a constaté que les antennes effleurent la surface et ce contact déclenche chez les abeilles le réflexe de poser les pattes avant en hauteur, s’agripper à la surface et ensuite soulever lentement les pattes du milieu et arrière. « Nous ne nous attendions pas à ce que les antennes puissent jouer un rôle, et le fait qu’il y ait un aspect mécanique nous n’y avions pas pensé » admet M. Srinivasan. Pour ce qui est de la position des antennes, l’équipe a réalisé que lors des étapes finales, lorsque les abeilles approchent des surfaces inversées, elles placent leurs antennes à peu près perpendiculaires à la surface. L’abeille est capable d’estimer la pente de la surface pour orienter correctement ses antennes, donc à ce moment, elle se sert de son système visuel. Ceci paraît surprenant car elles sont presque complètement stationnaires lorsqu’elles font du sur-place et alors elles ne peuvent se servir du mouvement de l’image pour estimer les distances dans leurs yeux. M. Srinivasan a le sentiment que les abeilles se servent de leur vision stéréo pour apprécier une si courte distance et il a hâte de tester cette idée.
Finalement, l’équipe a compris que les abeilles sont presque spécialement conçues pour se poser sur des surfaces allant de 60° jusqu’à l’horizontale. Lorsqu’elles volent vite, leur corps est à l’horizontale mais lorsqu’elles ralentissent ou font du sur-place, leur abdomen s’incline de sorte que l’extrémité des pattes et des antennes se trouve dans un plan qui fait un angle de 60° ; ainsi les pattes et les antennes touchent simultanément la surface inclinée à 60°. Il semble qu’elles sont adaptées à se poser sur des surfaces inclinées à 60° et il nous tarde de découvrir s’il y a beaucoup de fleurs qui se présentent sous un tel angle.