
Il dort maintenant du sommeil du juste, au frais à l'altitude 1000 mètres, et demain le soleil viendra lui chatouiller ses rayons dorés de son rayon doré.
Je ne me suis pas cassé la gu..le en portant la ruche dans le noir, dans l'escalier de terre, à 23 h tout-à-l'heure mais oh ! que j'ai été précautionneux à avancer un pied après l'autre sur l'herbe mouillée par l'orage de l'après-midi ! Et, dans les bras, le bois tiède de la présence de l'essaim ! Et l'odeur de miel !
Franchement, vous vous souvenez, cette émotion première ? Les abeilles en grappe, blotties dans la boîte en douglas, qui attendent que le moteur s'arrête, que le coffre s'ouvre, que tout s'immobilise au sol ? et puis la mousse qui colmate l'entrée qui disparaît soudain, tandis que des pas qui courent s'éloignent fort peu courageusement vers la maison ? Puis reviennent, feutrés, parce que la curiosité...
45 ans, que j'ai attendu ce moment... Je ne regrette pas de l'avoir si lentement construit, cet instant, car il porte en lui encore une trace d'enfance, des réminiscences de douceur et d'impulsions enfantines, des rêves, des conceptions d'un monde encore empreintes de la magie d'avant l'adulte que je suis un peu devenu.
Tout ça en trimbalant un essaim. J'ai hâte d'aller lui dire bonjour demain.
En attendant, je vais aller lui dire bonsoir maintenant, doucement, tout timidement : ne pas déranger le sommeil des abeilles.
Et puis aller me coucher...
